Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

imagination revêtues des honneurs de la sainteté, leurs noms insérés au calendrier.

Une jeune personne, héritière d’un demi-million, mais plus adonnée à la piété qu’il ne convenait à la sûreté de sa fortune, se voit cajolée par les prêtres, qui, à force de lui répéter qu’elle peut sauver la religion, devenir une Judith, une Jahel, finissent par la pousser, contre la volonté de son père, au couvent. Le bien venant de la mère et la jeune fille ayant atteint sa majorité, on l’engage à faire donation à l’Église de ses 25,000 liv. de rente. Caresses, bonbons, confitures, louanges, tout est employé pour la séduire. Elle disant que le bien n’était pas le produit de son travail, qu’en conséquence il lui semblait juste de le laisser dans sa famille, on a recours à la discipline : pénitences, mortifications, mauvais traitements, séquestre. Pendant deux ans les lettres que lui écrivait son père, celles qu’elle lui adressait, sont interceptées ; tant et si bien que le père inquiet va se jeter aux genoux de l’évêque, et demande à voir sa fille. Alors tout se dévoile, la jeune personne indignée quitte le couvent, et demande à être relevée de ses vœux. Mais voyez la rubrique ! La cour de Rome consentit bien à la relever du vœu de pauvreté, c’est-à-dire que l’Église renonça à la donation ; mais elle maintint le vœu de chasteté, dont évidemment elle se soucie beaucoup moins. Vengeance de prêtres ! La propriété échappe ; on arquepince la propriétaire par le célibat.

Je trouve dans le mémoire publié par madame de Meillac, supérieure de la communauté de Notre-Dame de Bordeaux, contre l’archevêque-cardinal Mgr Donnet, l’état de situation ci-après, qui montre avec quelle rapidité, dans des mains tant soit peu habiles, s’accroît la propriété ecclésiastique :

« Lorsque madame de Meillac prit, en 1839, la maison de