Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/288

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que la société soit fondée sur l’inégalité, c’est soutenir qu’une chose peut être balancée par rien, établie sur rien, ce qui est absurde.

Tous les individus dont se compose la société sont, en principe, de même essence, de même calibre, de même type, de même module : si quelque différence entre eux se manifeste, elle provient, non de la pensée créatrice qui leur a donné l’être et la forme, mais des circonstances extérieures sous lesquelles les individualités naissent et se développent. Ce n’est pas en vertu de cette inégalité, singulièrement exagérée d’ailleurs, que la société se soutient, c’est malgré cette inégalité.

XXV

Ainsi la loi de nature de même que la loi de Justice étant l’égalité, le vœu de l’une et de l’autre identique, le problème, pour l’économiste et pour l’homme d’État, n’est plus de savoir si l’économie sera sacrifiée à la Justice ou la Justice à l’économie ; il consiste à découvrir quel sera le meilleur parti à tirer des forces physiques, intellectuelles, économiques, que le génie incessamment découvre, afin de rétablir l’équilibre social, un instant troublé par les hasards du climat, de la génération, de l’éducation, des maladies, et de tous les accidents de force majeure.

Un homme, par exemple, est plus grand et plus fort ; un autre a plus de génie ou d’adresse. Tel réussit mieux dans l’agriculture, tel autre dans l’industrie ou la navigation. Celui-ci embrasse d’un coup d’œil un vaste ensemble d’opérations ou d’idées ; celui là n’a pas de rivaux dans une spécialité plus restreinte. Dans tous ces cas, une compensation est indiquée, un nivellement à opérer, source d’émulation énergique et d’heureuse concurrence. Pour balancer les supériorités émergentes, créer sans cesse à l’égalité de nouveaux moyens dans les forces inconnues de la nature et de la société, la constitution de