Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/30

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origine ; et la corruption marche. La philosophie et la littérature renient la tradition du dix-huitième siècle ; et le platonisme, le romantisme servent d’enluminure à la corruption. L’économie politique se fait malthusienne, et voici que la femme prend en horreur le ménage et la maternité. L’Église érige en article de foi la légende pieuse d’une conception immaculée, et jamais pareils soupçons ne planèrent sur les mœurs du sacerdoce.

Si quelque vie nous reste, si tout honneur n’est pas perdu, nous le devons à cette flamme sacrée de la Révolution qu’aucun déluge ne saurait éteindre. Ses conquêtes, ses établissements, ses organes, ses libertés, ses droits, ses garanties, tout a péri : il ne lui reste que l’âme du peuple, de plus en plus faite à son image ; et de ce temple inaccessible, elle impose sa terreur au monde, en attendant qu’elle lui impose de nouveau sa loi. La Contre-Révolution le sait : Si, dit-elle, je puis être maîtresse pendant deux générations, mon règne est pour jamais assuré ! — Deux générations lui suffiraient pour refaire au peuple la conscience et l’entendement. Mais les générations la fuient : jamais la Révolution ne fut plus vivante que depuis le dernier triomphe de la Contre-Révolution. Toute meurtrie et disloquée, la Révolution nous possède ; elle nous rallie, nous régit, nous assure ; par elle nous espérons et agissons, et tout ce qui nous reste de spontanéité et de vertu lui appartient. Aussi la conscience des peuples, longtemps abusée, se tourne avec amour vers ce Grand-Orient, et le jour où cent hommes, en connaissance de cause, renouvelleront le