Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/330

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renaît et se multiplie ; le rentier s’engraisse pendant que le travailleur s’étiole.

En termes plus simples, si par quelque moyen le travail réduit ses frais ou est forcé de les réduire, la part regardée comme bénéfice sera plus grande, soit qu’elle aille tout entière à un maître ou propriétaire, soit qu’une partie reste aux mains du travailleur. Si les frais augmentent, la rente y passe ; il n’y a de surplus, de profit pour personne.

C’est donc en soi quelque chose d’éminemment variable, arbitraire et aléatoire que la rente ; quelque chose dont nous avons le concept, mais qui ne se définit que par le contrat, c’est-à-dire par un acte juridique étranger à la chose ; comme nous avons vu que la propriété se définit par la loi. Dans cette définition qu’opère seule la volonté des parties, le chiffre qui sert à désigner la rente peut n’être pas exact ; le fût-il, d’ailleurs, à un moment donné, que le moment d’après il ne le serait plus. Par le contrat, au contraire, en supposant la liberté et la bonne foi égales des deux parts, ce chiffre est réputé juste ; ce qui tombe au delà ou en deçà de la moyenne n’affecte pas le droit, c’est de la matière. C’est cette variabilité propre de la rente, que la volonté de deux contractants est seule capable par une fiction de droit de fixer, qui fait tant divaguer les économistes, la plupart, pour ne pas dire tous, s’efforçant de donner une définition fixe d’une chose qui de sa nature n’en comporte pas, et de subordonner à une pareille définition la science tout entière. (Voir au Dictionnaire de l’Économie politique l’opinion de MM. Ricardo, Carey, Passy, Bastiat.)

Mais il est encore une autre cause de division pour les économistes, et qui a son principe dans la première : elle consiste en ce que, la rente étant par elle-même indéterminable et ne pouvant se distinguer nettement du salaire,