Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/359

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siasme, répugne par sa nature animique au fatalisme de la chair. Déjà affranchi du rut, dont le retour périodique domine les animaux inférieurs, il tend à s’affranchir encore de l’orgasme génésiaque, en ne cédant à l’amour que sous l’excitation de l’idéal.

Ce n’est donc pas tant à la puissance génératrice qu’il s’agit ici de faire équilibre qu’à l’entraînement érotique ; ce à quoi nous parviendrons par le développement d’une faculté supérieure, la Justice.

Par la Justice, l’homme, déjà transfiguré par l’idéal, se transfigure une seconde fois. Le bonheur qu’il cherchait auparavant dans la jouissance, il le cherche désormais dans la chasteté, forme suprême de l’amour, et qui chez la femme est la liberté et la dignité même. Le mariage est l’acte par lequel se définit et se constitue, au for intérieur, cette vie nouvelle de l’homme.

Ainsi, sous l’action combinée de toutes ces causes, travail, étude, liberté, égalité, chasteté, — j’appelle de ce dernier nom l’amour en tant qu’il triomphe de la chair et se soumet à la Justice, — vient un moment pour les époux où la cohabitation est moins douce, plus pénible, que la continence ; et ce moment vient d’autant plus vite qu’ils s’adonnent davantage au travail, à l’étude, à la Justice et à ses œuvres. La femme surtout, à mesure qu’elle participe à la vie intellectuelle et sociale, perd de son aptitude à la maternité : avec la vertu prolifique se refroidit l’inclination amoureuse. La nature ne fait rien pour rien : comment Malthus et son école ont-ils pu oublier cette vérité aphoristique ? L’amour des enfants achève de purger de tout érotisme l’affection conjugale ; le respect qu’ils inspirent est le signe que la passion est près de mourir au cœur des pères.

Cette loi d’équilibre, sujette dans les cas particuliers à des variations innombrables, mais vraie quant à la moyenne