Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/374

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sur le droit politique, sur le droit des gens : car tout cela sort, tout cela découle avec clarté, et comme de soi-même, du christianisme. » (Mélanges.)

Vous savez, Monseigneur, comment le philosophe Jouffroy, notre illustre compatriote, a vécu, et comment il est mort : ainsi trêve d’ironie. Mieux que personne, après une jeunesse passée dans les ravissements de la foi, il en avait sondé les mystères, et il avait montré que ces prétendues explications dont se vante le chrétien ne sont que des allégories énigmatiques, dont la foi elle-même est impuissante à donner le mot. C’est ce qu’il vous eût fait voir, par exemple, au sujet du droit naturel, du droit politique et du droit des gens, que vous vous flattez d’avoir enseigné au monde, et dont vous ne savez même pas aujourd’hui le premier mot. Autrement, je vous prierais, Monseigneur, vous docteur en théologie et inspecteur de la foi, de me rendre raison de ce phénomène.

II

C’est un fait que je n’essaierai pas d’amoindrir, que la société, à en juger du moins sur les apparences, ne peut se passer de gouvernement.

Et l’expérience universelle confirme cette opinion, également universelle. On n’a jamais vu de nation quelque peu policée qui fût privée de cet organe essentiel. Partout la puissance publique est proportionnelle à la civilisation, ou, si l’on aime mieux, la civilisation est en raison de son gouvernement.

Sans gouvernement, la société tombe au-dessous de l’état sauvage : pour les personnes, point de liberté, de propriété, de sûreté ; pour les nations, point de richesse, point de moralité, point de progrès. Le gouvernement est à la fois le bouclier qui protège, l’épée qui venge, la balance qui détermine le droit, l’œil qui veille. Au moindre