Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/397

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Suivez ce raisonnement, qui contient toute la théorie du fatalisme politique :

La société est sacrée. Elle est la source, le sujet de la Justice, si la Justice est quelque chose, puisque, sans remonter jusqu’à Dieu, qui en créant l’humanité lui a donné ses lois, hors de la société il n’y a que l’état de guerre, la barbarie, le non-droit.

Théoriquement, qui dit Justice dit égalité. Dans le fait, cette égalité est démentie par la nature, qui, nous faisant inégaux dans nos personnes, nous soumet à cette trinité fatale : inégalité devant la nature, inégalité devant la fortune, inégalité devant la société et devant la loi.

Devant cette inégalité invincible, la créature raisonnable et pieuse s’incline avec résignation ; le méchant, par la concupiscence de la chair et l’orgueil de l’esprit, se révolte et conspire contre la hiérarchie éternelle.

Or la société, en créant pour sa défense l’organe gouvernemental, confère au prince ses droits sur les personnes et sur les choses, et le rend inviolable.

Il suit de là que si la société réclame, pour le maintien de sa hiérarchie, le sacrifice de certains intérêts, le Pouvoir ne peut reculer devant l’exécution de cet ordre ; que tout ce que le prince accomplit à ce point de vue supérieur est légitime ; qu’il serait coupable s’il manquait à ce devoir ; que si, de plébéien à plébéien, de noble à noble, d’église à église, il est bien qu’une justice égale soit religieusement suivie, il n’en est plus de même de prolétaire à aristocrate, de laïque à clerc, de citoyen à prince, du prince lui-même à la nation…

Ce qui revient à dire que le gouvernement, institué en apparence et avec une commune bonne foi pour servir d’organe au droit, possède en outre le privilége de faire, le cas échéant, abstraction du droit et de ne se guider que par la raison d’État ; qu’ainsi, mandataire de la Justice, il