Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/402

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se borne à une élévation de cœur à Dieu, Résignation à Allah ! ils prétendent mettre de la raison. Il n’y a pas d’iniquité pire que celle du Sage : Corruptio optimi pessima.

Avant l’établissement de l’État, dit Spinoza, il n’y a ni juste ni injuste, ni bien ni mal. D’où résulte que tout ce que l’État fait pour sa propre conservation ne saurait jamais être injuste : cela, suivant lui, impliquerait contradiction. Il accorde donc que l’État a le droit de gouverner, au besoin, par la violence, et d’envoyer, même pour les causes les plus légères, les citoyens à la mort ; seulement il se confie en la prudence du souverain, que l’emploi malentendu de la force mettrait en péril ! Il ne voit pas, ce qu’avait fort bien aperçu Aristote, que tout ici est nécessaire, l’abus de la force, et par suite la dissolution de l’État, fatum !

Aussi la considération du péril n’arrête guère les despotes. L’État, c’est moi, dit Louis XIV : on peut voir dans ses Mémoires les étranges leçons qu’au nom du droit divin, et du style le plus dévot, il donne à son petit-fils sur la manière de gouverner les peuples. Hélas ! hélas ! si cette politique d’autocrate est nécessaire, il faut dire que la corruption de la société par la monarchie est aussi nécessaire. Est-ce le dix-huitième siècle qui corrompit Louis XV, et avec lui la constitution monarchique ; ou bien Louis XV, relève de Louis XIV, qui corrompit le dix-huitième siècle ?… Perverti, dès la mamelle par cette tradition de famille, Louis XVI ne recula jamais, malgré sa piété sincère et ses vertus réelles, devant le mensonge, la trahison, le poison, dès qu’il les crut nécessaires au maintien de sa couronne. Et l’empereur Napoléon Ier, qui se crut un instant l’héritier des rois, et à qui il arrivait de dire en parlant de Louis XVI, Notre pauvre oncle, ne l’a-t-on pas entendu renouveler le mot de Louis XIV : La constitution, c’est moi ?