Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/415

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en ce qui touche la question d’État, se résolvait, pour les peuples polythéistes, en un mot : fatalité. Nous savons quelle conséquence ils ont tirée de cette formule pour la politique du prince et la constitution du gouvernement : ç’a été de les débarrasser l’un et l’autre de la Justice.

Le christianisme change la religion, Nova facit omnia. Il change donc l’idée du gouvernement, ce qu’il y a en lui d’animique, de vivant, de substantiel, et qui tôt ou tard doit lui donner sa forme légitime. Quelle politique nouvelle va résulter de ce changement ? Sera-t-elle plus conforme à l’idée du droit ?

Hélas ! n’attendons pas que l’Évangile, saisissant l’erreur à la racine, affirme l’égalité positive : il ne connaît que le communisme. N’attendons pas que l’Église subordonne à la Justice son autorité et sa foi, qu’elle organise le gouvernement en conséquence et le purge de sa raison d’État : le pouvoir selon le Christ est encore plus jaloux de sa prérogative que le pouvoir selon le destin ; et si l’Église répudie Machiavel et la loi des sphères, elle n’a pas moins horreur de la liberté, de la Justice, de la constitution politique, du progrès, de tout ce qui, en un mot, tend à émanciper l’homme.

XVI

La pensée du gouvernement antique répugnait au christianisme par plusieurs raisons.

Comment, d’abord, accorder le principe de nécessité avec la notion d’un Dieu tout puissant, tout sage, créateur de la matière, gouvernant tout par sa Providence, et réparant dans une vie meilleure les infortunes de celle-ci ?… L’idée du destin, absolu, aveugle, sans Justice, sans miséricorde, impliquait la négation de la divinité même ; pour peu qu’on la pressât, elle menait droit au matérialisme.