Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/45

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Il est surtout de mode de protester contre le dogme fondamental de la chute, contre l’enfer et le diable, et cela, en vertu d’un théisme prétendu philosophique, d’une dévotion toute de sens intime. Nos poëtes chantent la fin de Satan en bénissant Dieu !

Est-ce donc que toutes ces oppositions ne se résolvent pas dans un absolu identique ? Le dogme du péché originel n’est-il pas le corollaire des idées de Religion et de Providence, identique et adéquat au principe psychologique qui fait de la Justice en nous une impression de la Divinité, d’où suit que Dieu et Diable, pour la raison révolutionnaire, c’est même chose ?

On accorde que la Justice est obligatoire, même sans espoir de rémunération ici-bas. Mais on ne renonce pas à l’espoir d’une indemnité dans un monde meilleur ; en sorte que ce prétendu Devoir n’est au fond qu’un crédit que nous faisons au Répartiteur souverain : quelle hypocrisie !

On préconise la Raison, mais en conservant une estime plus haute encore pour la Foi, bien entendu à condition que cette foi n’aura rien de commun avec celle des prêtres. On loue la Justice : mais on met au-dessus d’elle l’amour. Nos gens de lettres, femmes et hommes, résument la philosophie sociale en trois mots : Crois, Aime, Travaille.

J’affirme, quant à moi, le travail. Mais je fais toutes réserves contre l’amour, et je repousse la foi.

L’amour, quand il n’est pas esclave du droit, est le poison des âmes et le dévastateur de la société. Pour ce qui est de la foi, je le répète, il n’y en a pas d’autre que celle qui a engendré l’Église.