Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/464

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domestique a joint, vous ne le séparerez pas. Suspension de la dignité conjugale pour cause de religion, suspension de la morale.

Un père veuf, qu’une enquête judiciaire a fait connaître comme un modèle de père, est accusé par un conseil de tutelle d’avoir changé de religion, et, sur ce motif, poursuivi devant les tribunaux, aux fins de se voir dépouillé de la tutelle de ses enfants et séparé de leurs personnes. Assurément c’est chose peu glorieuse pour notre âge qu’un particulier s’occupant de questions religieuses au point d’en faire la chose capitale de sa vie, et se croyant, après mûre réflexion, obligé de changer de foi. Si le conseil de tutelle avait reproché à ce père de manquer de jugement, j’aurais jusqu’à certain point compris son inquiétude. Mais le conseil est encore plus entêté de religion que le père : celui-ci tient au protestantisme ; le conseil veut l’obliger à rester catholique. Que la justice entre dans ces considérations, et voilà la famille livrée à la fantaisie des cultes, les enfants engagés à perpétuité par le baptême de leur père, celui-ci par le baptême de ses enfants, et les uns et les autres déchargés de tout droit et devoir mutuel par le seul fait d’un changement de religion ! Suspension de l’autorité paternelle : suspension de la morale.

À Rome, un nouvel ordre religieux, les Socconi, a été établi par Pie IX dans un but de police religieuse. Ils entrent dans les maisons les jours d’abstinence, découvrent les pots et les marmites, s’assurent de visu que la loi du maigre est fidèlement observée. Par la même occasion, ils visitent les bibliothèques, bureaux, saisissent les livres impies, dénoncent et arrêtent ceux qui les recèlent. N’est-il pas vrai, comme je le disais tout à l’heure, que la famille est suspecte à l’Église ? Violation du domicile : violation de la morale.