Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/522

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verne ? nous avons l’alliance anglaise ; est-ce le despotisme ? nous avons l’alliance russe ; est-ce l’esprit de famille ? nous avons les mariages espagnols et les guerres de succession. La Révolution a pour alliés tous ceux qui souffrent oppression et exploitation : qu’elle paraisse, et l’univers lui tend les bras. « Si la Grande-Bretagne, disait lord Chatam, se déterminait par des principes de Justice, elle cesserait d’exister. » Eh bien ! la Grande-Bretagne de lord Chatam, avec toutes ses libertés, est l’ennemie de la Révolution ; quiconque lui prête main-forte trahit la liberté du genre humain. Et si l’armée française traitait les tribus de l’Algérie, de l’Atlas et du Sahara comme la Compagnie des Indes a depuis soixante ans traité et menace de traiter encore les Hindous, il faudrait dire de l’armée française qu’elle aussi est ennemie de la Révolution.

D. — Que faites-vous de l’équilibre européen ?

R. — Pensée glorieuse d’Henri IV, dont la Révolution peut seule donner la vraie formule. L’équilibre européen, aujourd’hui synonyme d’assurance mutuelle entre les princes contre les peuples, est le rapport commutatif qui unit toutes les collectivités nationales ; c’est, en autres termes, le fédéralisme universel, garantie suprême de toute liberté et de tout droit, et qui doit remplacer l’ancien catholicisme.

D. — Le mot de fédéralisme a peu de faveur en France : ne pourriez-vous rendre autrement votre idée ?

R. — Changer les noms des choses, c’est transiger avec l’erreur, et manquer au respect du peuple.

Quoi qu’en ait dit la prudence jacobine, le véritable obstacle au despotisme est dans l’union fédérative. Comment les rois de Macédoine devinrent-ils maîtres de la Grèce ? En se faisant déclarer chefs de l’amphictyonie, c’est-à-dire en absorbant la confédération des peuples hellènes ? Pourquoi, après la chute de l’empire romain, l’Europe catholique ne put-elle se reformer en un seul état ? Parce que l’antagonisme des envahisseurs les poussait à une confédération, qui a fini par devenir un principe de leur droit public, et que rien au monde ne peut réduire. Pourquoi la Suisse est-elle demeurée une république ? Parce qu’elle est, comme les États-Unis, une con-