Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/94

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versé pour les péchés du monde, continue de posséder la majorité des âmes.

Mais de supposer qu’à l’instar du progrès qui se manifeste dans les sciences et l’industrie, et qui est l’effet de notre thésaurisation historique, il y en ait un semblable dans la Justice, indépendamment de l’action efficace de la Grâce, c’est une proposition contre laquelle la théologie proteste de toutes ses forces, qu’elle déclare destructive de la religion, et par suite de toute morale, de toute société.

Et il faut le dire, outre que l’immoralité contemporaine semble donner raison à la théologie, sur ce point encore la philosophie déiste pense au fond comme l’Église. Elle croit et enseigne que la société est, comme le corps humain, sujette à corruption et décadence, que de temps à autre elle a besoin de retremper ses mœurs, que cette régénération morale ne peut s’accomplir qu’à une condition, la rénovation du dogme. Qu’est-ce que le dogme ? La parole intérieure, divine et providentielle, qui éclate aux époques fatidiques pour la régénération des sociétés. C’est pour cela que nous voyons aujourd’hui de hautes intelligences, des âmes généreuses, convaincues que la corruption est à son comble, que le christianisme est usé comme autrefois le paganisme, et que le temps est proche, adresser leur requête à la Divinité, implorer avec larmes et componction la manifestation du dogme. L’auteur de la France mystique a compté plus de trente de ces concurrents de l’Église, dont la devise, en un siècle décidément raisonneur, mais que la foi agite encore, semble être celle-ci : Faut de la révélation, pas trop n’en faut !……

Tant le système de la transcendance, sorti des concepts fondamentaux et des premières hypothèses de la raison, formulé en légendes poétiques et en merveilleux récits,