Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/109

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peu : comme il convient à une civilisation naissante, ils pratiquaient davantage. Point de phrases sur la mort, non plus que sur la vie ; pas de dédain de celle-ci, pas de jactance vis-à-vis de celle-là. De même qu’on s’efforçait de vivre sa vie le mieux qu’il fût possible, on mourait sa mort naturellement, avec calme, sans peur ni regret.

La religion, qui s’occupait de tant de choses, ne disait rien, presque rien de la mort ; elle ne paraissait qu’aux funérailles.

Il y avait bien quelque mythe vague, obscur, qui parlait du royaume souterrain, du séjour des ombres, de leur transmigration, de leurs apparitions, de leur renaissance ; mais ce mythe, négligé, grossier, comme on le voit dans Homère, conçu au bord des fosses, à la vue de cadavres, ou en face des bûchers qui les consumaient, ne paraît pas avoir exercé sur la pratique d’influence sérieuse. Il y a dans l’Iliade, au commencement du premier livre, un mot qui fait voir le peu d’estime qu’on faisait de l’âme, le peu de place qu’ele tenait dans l’existence des héros :

« Chante, Muse, cette colère funeste qui précipita dans le Tartare une foule d’âmes généreuses de héros, et les livra eux-mêmes en pâture aux chiens et aux oiseaux. »

Eux-mêmes, αὐτοὺς, c’est-à-dire les corps, par opposition aux âmes, ψυχας !

Il semble même que, dès les temps les plus anciens, la croyance aux mânes fût méprisée : c’est elle que les Romains désignaient par le mot de superstition, formé de superesse ou superstare, comme qui dirait la foi à la survivance, ou mieux la foi aux revenants. La croyance à l’immortalité des âmes ne faisait pas partie de la religion ; elle en était au contraire une dégénérescence honteuse.

Quant au mosaïsme, il est notoire que les sadducéens, qui en représentaient la pure tradition, niaient la distinction de l’âme, et, à plus forte raison, sa survivance. Cette