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les hommes, juste aux époques où ils ne valent plus rien pour celle-ci ?

XLIII

Mais nous n’avons fait encore qu’effleurer ce funèbre sujet.

En supposant que la théorie de la dissociation des âmes et des corps ait pu être, aussi bien que celle d’Épicure, de quelque soulagement dans l’universelle épouvante, on comprendra que de tels remèdes n’étaient pas à la portée du vulgaire, et que, le jour où les masses réclameraient à leur tour un antidote contre l’ennui de la mort, les poèmes érotico-bachiques d’Anacréon, d’Alcée, d’Horace, de même que les spéculations platoniques et stoïciennes, seraient d’un médiocre effet.

Or, ce jour-là était venu. La société romaine dissoute, la plèbe, aussi bien que le patriciat, était dans le vide ; les âmes vulgaires, comme les âmes d’élite, pendaient en l’air, ouvertes au vent, comme des vessies crevées ; c’est le tableau qu’en fait Virgile :

__________… Aliæ panduntur inanes
Suspensæ ad ventos.

Qui viendrait au secours de cette multitude ?

Il y a des médecins pour toutes les fortunes.

La Grèce, dont la gloire et la décadence avaient devancé de plusieurs siècles celles de Rome, avait produit, à l’usage des classes inférieures, une philosophie péremptoire. Il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe, disait Démosthènes. — Non, répliqua Diogène ; mais il est permis à tout le monde de n’y pas aller, et de se passer de Corinthe.

Les cyniques trouvent ici, dans le naufrage général, leur emploi, et, sans qu’il y paraisse, c’est leur système qui a le plus de vogue. Trop peu de gens sont à même de