Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/13

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tuellement dans l’occasion prochaine de l’incrédulité. Le premier cependant, et je crois le seul de la famille jusqu’à présent, je suis devenu pour tout de bon esprit fort et le plus grand blasphémateur du siècle, comme vous l’avez écrit quelque part. Il est bon que vous sachiez comment cela m’arriva.

II

Mes premiers doutes sur la foi me vinrent vers ma seizième année, à la suite de la mission qui fut prêchée en 1825 à Besançon, et de la lecture que je fis de la Démonstration de l’existence de Dieu, par Fénelon. Daniel Stern, dans son Histoire de la Révolution de 1848, rapporte à mon endroit cette anecdote, qui est vraie. Quand je sus par le précepteur du duc de Bourgogne qu’il y avait des athées (j’écris ce mot comme on le prononce à Besançon), des hommes qui nient Dieu, et qui expliquent tout par la déclinaison des atomes, ou, comme dirait La Place, par la matière et le mouvement, je tombai dans une rêverie extraordinaire. J’aurais voulu entendre ces hommes défendant eux-mêmes leur thèse ; les lire, comme je lisais Fénelon. Curiosité dangereuse, si vous voulez, et qui ne pronostiquait rien de bon, mais qui témoignait après tout de mon désir de m’instruire, et, j’ose le dire, de ma sincérité : car, enfin, s’il n’y avait, quoi qu’on dise, point de Dieu ! s’il y avait autre chose que Dieu ! ou si Dieu n’était rien de ce que le peuple pense, et que les prêtres disent ! si le rôle que cet être mystérieux joue dans le monde était en sens contraire de ce que notre religion suppose !… où cela nous mènerait-il ? où cela ne nous mènerait-il pas ?

À ce propos, je consignerai ici un fait que, malgré mon scepticisme naissant, il me fut impossible d’attribuer au clinamen. Étant au collége, je reçus pour prix, pendant cinq années consécutives, 1o  trois fois l’Abrégé de l’Ancien