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des Casse-mottes, des meurt-de-faim, des bausse-terre, des bousse-bots (comme nous disons dans notre patois bisontin pour désigner ceux qui passent leur vie à fouiller la terre, tels que les vignerons), des rien du tout. On retrouve ici l’éternel anthropomorphisme : l’esclave fait son dieu à son image, comme le noble, le marchand, le financier, la femme amoureuse, le poëte, le médecin.

La même hiérarchie de dieux subsistait à Rome : il y avait les dieux de la noblesse, dii magnarum gentium, et les dieux de la plèbe, dii minorum gentium. Quand les mêmes dieux, les mêmes sacrements, furent à l’usage de tout le monde, quand la religion fut devenue commune, alors il y eut confusion dans l’État, et ce fut fait de la société. Résultat curieux : le spiritualisme tombant dans le domaine public, la civilisation était à refaire !

Nous allons voir comment cette reconstitution eut lieu, comment la loi d’égoïsme prit fin et fut remplacée par une autre moins rude, qui, sans réaliser la Justice, toujours à l’état d’utopie, lui servit néanmoins d’acheminement.


CHAPITRE IV.

Droit du serf ou salarié, d’après l’Église : loi d’amour.

XXIII

On dispute encore aujourd’hui sur la question de savoir si c’est au christianisme qu’est due véritablement l’abolition de l’esclavage. M. Moreau-Christophe, M. Wallon et d’autres, protestent contre ce sentiment.

J’avoue, après un dernier et attentif examen, que cette discussion me semble une pure chicane. Sans doute, si nous devions juger le christianisme seulement d’après