Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/208

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nent la délivrance à la crise finale, laquelle, assurent-ils, ne saurait tarder. L’idée est dans tous les esprits ; elle y est si bien que les chrétiens entre eux s’en trouvent gênés, qu’un saint Paul n’ose demander à un saint Philémon la liberté d’un saint Onésime, et que la grande affaire vis-à-vis des païens est de ne se pas compromettre.

Plus tard, sous Trajan, Marc-Aurèle, Septime-Sévère, Dèce, Aurélien, l’Église persiste dans cette tactique sinueuse, qui fut de tout temps celle des opprimés. Lorsque les proconsuls interrogent les chrétiens et leur demandent ce qu’ils font dans leurs assemblées nocturnes : Nous prions, répondent ceux-ci, pour le salut de César et la prospérité de l’empire, Domine, salvum fac imperatorem… ; ce qui ne les empêche pas d’écrire contre l’empereur et l’empire d’atroces pamphlets, dans le genre de l’Apocalypse. Jamais, certes, on ne leur reprocha d’exciter les esclaves contre les maîtres, de les receler, de leur procurer des moyens d’évasion et des asiles ; ils faisaient mieux : ils niaient la religion de l’État, base de l’empire et de la société ; ils détruisaient dans les âmes la loi d’égoïsme, la remplaçant par celle qu’ils nommaient eux-mêmes loi d’amour.

En quoi maintenant consistait cette loi ? C’est ce que nous avons à déterminer.

XXVI

Le Christ avait dit : Aimez-vous les uns les autres. Belle parole, dont rien n’était, ce semble, plus aisé que de déduire ce corollaire : Servez-vous les uns les autres. De la réciprocité d’amour à la réciprocité de service, il n’y avait pas plus loin que du principe à la conséquence. Comment cette conséquence n’a-t-elle pas été tirée ?

Ah comment ! c’est que le Christ, messager d’amour, victime expiatoire, ne reconnaissait pas le Droit de