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gnostiques ; la conversion de Constantin, qui se réunit aux conservateurs, porta le dernier coup aux révolutionnaires. L’esclavage gagna sa cause ; mais celle du travail fut ajournée à quinze siècles.

XXVII

Ce que le christianisme, sous le nom d’abolition de l’esclavage, a fait pour le travailleur, tout le monde le sait.

Auparavant, sous la loi d’égoïsme, le Travailleur, enlevé à la chasse, conquis à la guerre, ou livré par la misère, instrument d’exploitation, meuble, chose, ne comptait pas comme personne, comme âme, dans la famille ni dans la cité. Il ne faisait point partie de la nation ; il y était sans intérêt, comme dans la famille il était sans volonté et sans patrimoine.

Sous la loi d’amour, tout cela va changer. Le Travailleur fera partie de la famille, il pourra même avoir une famille ; il disposera, jusqu’à certain point, de sa personne ; il aura un pécule, un domicile, une possession, voire un héritage. Il figurera à sa place dans la nation et dans l’État. La religion l’entourera des mêmes grâces que le noble et l’empereur, et devant Dieu le fera son égal. Seulement, par la constitution féodale, par la dîme ecclésiastique, par la mainmorte, la corvée, l’impôt, les maîtrises, l’inégalité plus ou moins grande du salaire et du produit, les choses seront arrangées de telle manière qu’il restera éternellement, et par privilége, voué au labeur, attaché à la glèbe, et que cette triste prérogative deviendra même loi de l’Église et de l’empire. En un mot, la classe travailleuse sera toujours la classe sacrifiée, celle que la nature et la Providence, le prince et le prêtre, le philosophe et le spéculateur, d’un consentement unanime, ont condamnée à faire le service de la civilisation