Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/30

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antique. Si bien que la Justice, science de vérité, dont le nom était gravé sur le rational d’Aaron ; la morale, promise par le prêtre, et seulement figurée dans l’adoration, se trouve remplacée par un autre sentiment, la crainte de Dieu, les œuvres de justice par les actes de latrie, la vertu par la foi.

Qu’est-ce maintenant que le christianisme, cette loi de réparation qui devait réformer et compléter l’ancienne, ajoute à cela ? Reprenez-moi, Monseigneur, si je manque d’un iota : car pour vous, comme pour la Révolution, il y va d’un gros intérêt.

Toute votre science religieuse, comme celle des bonnes femmes qui guérissent au moyen de formules secrètes, comme celle des magnétiseurs qui agissent par émanations fluidiques, se réduit à un répertoire de gestes et de formules verbales, dans lesquels vous supposez, sur la foi de vos révélations, et pourvu qu’il s’y joigne une intention sincère, la propriété de guérir l’âme du péché et de la ramener à la sagesse.

Quelle conscience que celle du chrétien, avec son arsenal de paroles magiques, d’incantations, d’obsécrations et de talismans, contre la multitude innombrable des péchés et des démons ! — Celui-ci, dit quelque part le Réformateur évangélique, parlant d’un mauvais esprit que ses disciples n’avaient pu expulser, celui-ci ne se peut vaincre par la seule invocation du Père, du Fils et de l’Esprit, pas même par le nom efficace de Jéhovah : il y faut la prière et le jeûne ! — Pour réfréner l’ardeur du jeune Tobie, l’ange Raphaël (le nom de Raphaël signifie médecine de Dieu), après avoir enfumé la chambre nuptiale avec le foie du poisson péché dans l’Euphrate, prescrit au nouvel époux de passer la première nuit de ses noces en prières, à genoux sur un prie-Dieu, à côté de sa femme. Pour telle autre diablerie on conseille l’aumône. Mais