Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/340

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thèse inévitable que fait toute raison sans expérience, l’Absolu. Si j’avais eu d’autres maîtres, je n’aurais pas eu la peine de changer, à trente ans, d’hypothèse ; je ne me fusse pas trouvé placé par ma mauvaise éducation entre l’apostasie et l’hypocrisie, forcé d’opter pour l’une ou pour l’autre ; j’aurais conservé la virginité de ma raison, et je ne serais pas à cette heure dans la nécessité de répondre à ceux qui me reprochent de l’avoir perdue, que ce sont eux qui ont commis le viol.

« L’auteur du livre se fâche, et le Tribunal de commerce condamne l’éditeur à la destruction des exemplaires. »

En effet, je ne pus m’empêcher de voir dans cette édition subreptice une spéculation ignoble, de plus une atteinte à la liberté d’auteur, et le Tribunal, dans un jugement dont on n’a pas essayé de réfuter les motifs, pensa de même.

« Mais le libraire s’adresse à la Cour d’appel : tout le clergé prend fait et cause pour lui. »

C’est bien cela : M. de Mirecourt est parfaitement renseigné. Est-ce vous, Monseigneur, qui avez excité ce beau zèle ?… Pendant trois jours que durèrent les débats, l’enceinte de la Cour fut remplie de prêtres, dont la présence plaidait pour Turbergue, comme s’il se fût agi du frère Léotade ou du curé Mingrat.

« On explique les motifs de la conduite de l’écrivain. Ses pages en faveur de la religion (de l’hypothèse biblique, encore une fois) sont lues en plein tribunal. »

Je n’y étais pas, mais je l’ai appris de témoins oculaires, juste comme M. de Mirecourt le raconte.

Pourquoi cette lecture, d’abord ? Qu’est-ce que cela faisait à la question ? Le débat, entre Turbergue et moi, roulait-il sur la tour de Babel et la langue d’Adam ? La cour, en matière de linguistique, était-elle compétente ?