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l’appétence invincible que l’humanité a pour elle, et par sa permanence dans l’histoire.

Qu’après cela, les monuments qui nous ont conservé ce dépôt sacré soient hérissés de difficultés inextricables, c’est un fait dont notre infirmité raisonneuse peut s’affliger, mais qui ne touche point à l’essence de notre foi. L’Évangile n’est point un livre de physique, de chronologie, de politique, ou d’économie : c’est un livre de religion. Autre chose est la science, que l’homme acquiert chaque jour par sa communion avec la nature ; autre chose la foi, qui lui vient du Verbe de Dieu. La niez-vous, cette foi ? niez-vous Dieu ? À la bonne heure, dites-le hautement, et tâchez de vous faire suivre. Sinon, croyez en toute simplicité de cœur ce que vous enseigne la grande voix de la religion, c’est-à-dire le consentement universel et l’Église son organe. Surtout gardez-vous de ces conciliations qui pourraient bien n’être de votre part que des mensonges : Dieu ne vous demande pas de défendre sa cause par des sophismes et des jongleries.

Oh ! s’il ne m’en eût coûté d’autre sacrifice ! si j’avais pu, comme le voulaient ces pieux et savants cénobites, faire abstraction de mon entendement, séparer complétement, bien loin de les unir, ma religion et ma raison, jamais ma croyance n’eût été ébranlée ; au lieu que la Justice a fait de moi un antichrist, je serais demeuré le plus humble et le plus obscur des chrétiens.

Mais, hélas ! ce n’est pas ainsi que les choses se passent, et cette religion naïve, idéale, de bon aloi, la seule qu’un honnête homme voulût suivre, est une chimère.

XXV

La condition de la foi est la parole : Fides ex auditu.

Il s’ensuit que le missionnaire qui me communique la foi est obligé, pour se faire entendre, de parler ma lan-