Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/366

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M. Renan, qui se classe lui-même en dehors de la tourbe religieuse, pourrait passer pour un des coryphées de ce système.

Mais qu’a donc le monothéisme en soi de plus intéressant que le polythéisme ? Est-ce que celui-ci n’est pas tout aussi primitif, aussi naturel, aussi moral, je dis plus, aussi impérieusement donné dans la spéculation transcendantale, que l’autre ? Est-ce que nous ne les voyons pas, dans l’histoire de tous les peuples, se succéder l’un à l’autre, comme thèse et antithèse, au gré de la politique et des circonstances ? Au commencement, chaque cité grecque avait sa divinité propre, c’est-à-dire que sous des noms divers Dieu était un pour tous les Grecs : c’est, ce me semble, la tradition orphique. La confédération fait régner partout le polythéisme, qui disparaît ensuite dans l’unité romaine, transformée en christianisme. Mais à peine celui-ci est établi, qu’il se refait polythéisme par sa Trinité, sa croyance aux anges, aux saints, aux démons, etc. La même chose s’observe parmi les Sémites… Comment M. Renan, qui apprécie à sa juste valeur l’unitarisme moderne et en montre si bien l’inconséquence, ne voit-il pas que toute son argumentation retombe sur lui ?

Il faut une religion au peuple, il en faut une à tout prix. Et pourquoi faut-il une religion au peuple ? Parce qu’il faut que le peuple, qui n’a pas eu la bonne part, et qui, comme Marthe, doit servir, apprenne par la religion à être content de sa servitude ! Voilà le secret de tout ce charabia académique.

Qui ne sait que la distinction prétendue de la raison philosophique et de la raison théologique en matière d’absolu, par suite leur soi-disant raccordement, se réduit, après avoir posé le dogme comme parole révélée, d’abord à le concevoir comme une évolution des concepts,