Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/388

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Je crois inutile d’insister sur cette distinction fondamentale de la raison individuelle et de la raison collective, la première essentiellement absolutiste, la seconde antipathique à tout absolu. Il me faudrait repasser, à ce point de vue nouveau de la constitution des deux raisons contraires, ce que j’ai dit sur le droit des personnes, la distribution du travail et de la richesse, l’organisation du gouvernement. Qu’il me soit permis d’y renvoyer le lecteur.

En résumé, il n’est pas une vérité, dans l’ordre des choses naturelles, à plus forte raison dans l’ordre de la société, pas une formule scientifique ou juridique, qui n’ait été, au jour de sa publication, regardée comme un paradoxe. Or, la cause qui rend ainsi la vérité et la Justice paradoxales est le caractère de notre raison individuelle, l’absolutisme, d’où se conclut la nécessité d’une raison supérieure, servant de correctif et de modèle à la première.

XXXVII

Si la liberté doit être comptée pour quelque chose, et si néanmoins elle devait recevoir une discipline, convenons qu’elle ne pouvait en supporter d’autre que celle-là. La liberté disciplinée par elle-même : c’est le fonds et le tréfonds de toute notre philosophie révolutionnaire. Rien assurément de plus rationnel, de plus moral que cette discipline ; mais rien qui ait eu plus de peine à s’établir dans la pratique des nations, gouvernées dès l’origine par l’autorité et la foi, c’est-à-dire par l’absolu.

Le Christ a dit :

« Que celui qui n’écoute pas l’Église soit pour vous comme païen et publicain. »

Par ces paroles, l’auteur de l’Évangile a posé le principe d’autorité en matière d’opinions ; il a condamné le libre examen, la discussion publique, universelle, réciproque ; il a pris pour règle la formule Le maître t’a dit,