Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/428

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si morte ?… Accuser la religion de cette inertie, de cette mort par le péché, ce n’est pas un logicien de votre force qui se permettrait un pareil sophisme. La religion, ceci résulte de vos propres paroles, est née du sentiment que la conscience a de son impuissance ; c’est le cri de l’âme en détresse, qui, sentant défaillir sa Justice, appelle à son aide la Justice de Dieu. Récuserez-vous un pareil témoignage ? récuserez-vous le témoignage de tant de nations que la barbarie couvre de sa rouille, uniquement parce que leur prétendue Justice est demeurée inefficace ? Où donc la civilisation a-t-elle fleuri, si ce n’est chez les races que le christianisme a purifiées, ou qui, à une époque immémoriale, reçurent les premiers rayons de la révélation antérieure ? Récuserez-vous le témoignage de tant de philosophes, païens ou apostats, tous étrangers à l’Église ou ses ennemis, et qui ont reconnu cet esclavage de la conscience, incompréhensible sans une cause surnaturelle ? Platon, dans sa République, écrite pour mettre un terme aux débordements de la liberté ; Aristote, déclarant à la fin de sa Morale à Nicomaque, l’impuissance radicale de la théorie à déterminer les hommes à la pratique ; Cicéron, avouant que la vertu est un don des dieux ; les stoïciens, qui recommandent à leur disciple de se placer sans cesse sous le regard de Dieu ; Hobbes, Spinoza, Hégel, et tant d’autres, en qui la désertion de la foi n’a servi qu’à les faire aboutir au plus effroyable despotisme ?

« L’homme est esclave, Spinoza le confesse. — Et de qui esclave ? — De ses passions, répond cet incrédule. — Quoi ! esclave des passions qui sont l’apanage de sa nature, des passions que Dieu lui a données ! Se peut-il rien de plus absurde ? Plutôt que de s’entendre avec l’Église, Spinoza préfère mettre Dieu à la place de Satan dans