Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/432

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l’homme ne possède sur son état mental aucune connaissance, et que vouloir le ramener à la morale pure est une utopie pure, un crime de lèse-majesté divine et humaine, que la religion à juste titre a déclaré inexpiable.

« C’est pour cela que l’Église, instruite de plus haut que la raison, non contente de refréner les passions et de mortifier les sens, use, envers les facultés de l’âme les plus élevées, de la même coercition. Sans s’arrêter aux vaines curiosités d’une casuistique ambitieuse, elle nous dit que l’homme, avant tout, veut être dompté, et que cet appel à une Justice savante et rigoureuse, de la part d’un sujet de si mauvais vouloir, est rouerie d’orgueil, ruse de Satan, sophisme de l’envie et de la révolte.

« Que la distribution des biens s’opère d’après une balance un peu plus ou un peu moins exacte ; que le commandement soit soumis à un contrôle un peu plus ou un peu moins sévère, le niveau moyen de l’instruction un peu plus ou un peu moins élevé : la belle affaire ! Supposant toutes ces équations démontrées et réalisables dans la pratique, il s’agit de les convertir en obligations pour la volonté, ce qui sort de la compétence de votre mathématique. Ah ! vous qui parlez de raison humaine, de conscience humaine, de vertu humaine, qui sur cette base fragile élevez l’édifice de votre droit et de votre devoir, méfiez-vous plutôt de ces puissances de perdition : rien de bien n’en sortira, si la religion ne les gouverne. Refoulez ce génie opiniâtre, si vous ne voulez qu’il vous consume. Il n’est rien que son indiscrétion respecte, et que ses philosophèmes n’ébranlent. Lâchez-lui la bride : vous le verrez arriver à la négation de l’univers et de lui-même. Brisez cette conscience, qui ose se porter principe et arbitre du juste et de l’injuste. Pour peu que vous lui laissiez de champ, elle se haussera jusqu’au sommet d’où fut précipité le père du péché, lorsque, se