Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/438

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Descartes, cherchant un point solide à la connaissance, débute par se dire, à l’exemple des anciens douteurs :

Existe-t-il une vérité ? et en supposant que quelque chose de vrai existe, puis-je le découvrir ? Puis-je en acquérir la certitude ? À quel signe le reconnaître ? Qui m’en garantira la légitimité ? Sont-ce mes sens, qui me trompent, et ne me font voir que le particularisme des choses ? Sont-ce mes notions, dont rien ne me garantit la légitimité ; qui participent de l’erreur de mes sens, bien qu’elles ne soient pas données uniquement dans la sensation ; qui d’ailleurs ne m’apprennent rien toutes seules et sans le secours perpétuel de mes sens ? Est-ce mon sentiment intime, qui n’entre en action qu’autant que je suis en rapport avec les choses extérieures ? À qui croire ? À qui me fier ? Où me renseigner ? Par où commencer ? Quel est le principe, à l’abri de tout soupçon, sur lequel je vais fonder ma philosophie ? Car il est clair que, si je trouve le point d’attache, le reste ira de lui-même. Detur mihi punctum, et terram movebo, disait Archimède.

Tel fut le doute hypothétique, condition préalable de toute philosophie, auquel se soumit Descartes.

C’est bien évidemment le même doute qui frappe aujourd’hui la morale.

À l’exemple des acataleptiques, les transcendantalistes soutiennent qu’il n’est pas pour l’homme, en dehors de la foi en Dieu, de morale ; que toutes ses actions, au point de vue de la conscience naturelle, sont indifférentes ; que la distinction du bien et du mal est arbitraire ; que d’ailleurs, la morale existât-elle, l’homme est incapable, par sa volonté comme par sa raison, d’y atteindre ; qu’il ne saurait s’en faire une notion exacte et assurée ; qu’en conséquence tout est chez lui ténèbres, inertie, corruption, mensonge ; que les voies de l’humanité sont erronées, conduisant à l’erreur et au crime, ou