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théorie religieuse, ce qui veut dire une théorie de scepticisme, une théorie d’immoralité.

VII

Or voici, ce me semble, une réflexion qui doit arrêter court le sceptique. Elle ne me vient pas d’ailleurs que de l’hypothèse, comme vous allez voir ; elle m’est fournie par l’hypothèse.

Supposant, avec l’Église, que je ne puis par moi-même pratiquer le bien et éviter le mal, et que ma volonté a une inclination décidée pour le péché ;

Supposant de plus ma conscience tellement véreuse qu’elle ne sache seulement pas discerner le bien du mal :

Je dis que vous ne sauriez me refuser ceci, qu’il y a en moi un préjugé ou sentiment quelconque du bien et du mal, c’est-à-dire de ce qui fait l’objet même de l’hypothèse.

Que je ne connaisse pas ma loi, c’est possible ;

Que la connaissant rien ne me fasse clairement sentir qu’elle est pour moi obligatoire, c’est encore possible ;

Qu’en conséquence la moralité de mes actions me semble livrée à ma seule fantaisie, tout cela est possible ;

Ce qui est impossible, c’est qu’il n’y ait pas en mon âme un écho qui, à la supposition du bien moral que je cherche, répond bien ; à la supposition du mal, répond mal ; c’est en un mot que ma conscience, au moment où elle doute de sa lucidité, de sa moralité, de sa propre énergie, doute encore de son doute, doute de ce qui fait l’objet de son doute, doute, en un mot, d’elle-même.

Sous une forme restreinte, c’est toujours le Cogito ergo sum de Descartes.

Lorsque Descartes dit : Cogito, je pense, il fait parler le moi, l’être considéré dans l’universalité de ses fonctions, qui est la pensée.