Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/486

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Il n’est pas possible de se faire plus complètement illusion. Ce qu’on vient de lire n’est autre chose que l’histoire du développement de la liberté ; mais, parce qu’il lui a plu de placer le point initial de ce développement dans une idée adéquate, Spinoza s’imagine que cette liberté, toujours grandissante, est nulle. C’est donc à l’origine même de cette genèse qu’il faut saisir le raisonnement de Spinoza, si l’on veut montrer la faiblesse de son système.

En dernière analyse, dit Spinoza, la puissance de l’âme se réduit à la connaissance, ce qu’il y a de moins libre, de plus fatal. Mais, observerai-je, pour connaître, il faut pouvoir connaître, il faut penser ; pour avoir une connaissance adéquate, il faut une puissance de réflexion égale à l’impression reçue : Spinoza ne sortira pas de là. La puissance est la condition préalable et productrice de la connaissance ; elle n’en est pas l’effet : cela impliquerait contradiction. Or, il est de la nature de toute puissance de tendre à l’infini par l’absorption de ce qui l’entoure ; et quand Spinoza nous montre la puissance de l’âme se développant proportionnellement au degré de la connaissance, il ne fait autre chose, sans qu’il s’en doute, que raconter le progrès de la liberté aux dépens de la nécessité qu’elle se subordonne.

Tout le système de Spinoza repose donc sur cette pétition de principe : c’est au centre de l’âme qu’il place l’initiative de réflexion qui, par un système d’idées progressivement acquises, et d’épurations spontanément accomplies, doit conduire l’âme au souverain bien, ad Deum qui dedit illam. Je demande donc à Spinoza comment, si tout arrive par la nécessité divine, après que les vibrations de cette nécessité, de plus en plus affaiblies, ont donné naissance aux âmes engagées dans la servitude des passions, comment, dis-je, il arrive que ces âmes retrouvent, au moyen de leurs idées adéquates, plus de force pour retourner