Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/49

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Il emploie à dessein les expressions de Moïse, afin que l’on entende mieux sa pensée, et que l’on ne prenne pas le change sur la métaphore ; il va jusqu’à expliquer que pain et vin, chair et sang, ne sont que de la matière, des signes par eux-mêmes sans valeur ; que le véritable aliment dont le fidèle doit se nourrir, c’est la parole, mieux que cela, l’idée, aliment intelligible de l’âme. Pas un mot, dans les quatre évangélistes, qui ne se rapporte à cette interprétation, et offre la moindre difficulté.

Mais un pareil rationalisme eût été la destruction de la foi messianique. Jésus mort, on commença par faire de lui un messie rédempteur ; de cette idée on passa à celle de victime expiatoire ; comme victime, il devait être mangé conformément au rite ancien, d’après lequel la victime offerte pour le péché devait être mangée par le pécheur : comme si, dans ces corps de chrétiens et de juifs, la Justice, la morale, la réhabilitation, n’eussent pu entrer qu’à la condition d’être mangées. Et il en sera de même de tout théisme conséquent. De même que l’idée de Dieu, auteur et garant de la Justice, implique celle de la déchéance de l’homme, elle implique en outre l’idée de sacrements : sacrement de régénération, c’est le baptême ; sacrement d’expiation, c’est la pénitence ; sacrement de justification, par la communion ou manducation de Dieu : c’est l’eucharistie. Si Dieu est le principe de notre Justice, le père de nos âmes, le gardien de nos consciences, l’eucharistie est une vérité. De là, ce dogme prodigieux de la transsubstantiation, que l’on voit poindre dans saint Paul, fanatique qui n’avait pas entendu le maître et dogmatisait pour son propre compte ; qui arrive à sa perfection dans le concile de Trente, et fait divaguer pendant deux siècles et demi l’Église et la Réforme ; de là, enfin, ce fétichisme eucharistique, pour lequel le clergé réserve toutes ses pompes, et qui n’a pas encore aujourd’hui cessé d’être une oc-