Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/498

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qu’il soit possible ni de les expliquer par le même principe, ni de les résoudre en une expression identique. Ils subsistent l’un vis-à-vis de l’autre : il serait aussi puéril de confisquer celui-ci au profit de celui-là que de les faire tous deux disparaître.

Ce n’est pas tout : chacune des deux séries est en gradation, allant, la première des attractions de la matière brute aux aperceptions les plus abstraites de l’entendement ; la seconde des mouvements spontanés de la force végétative aux protestations les plus héroïques de la conscience. De sorte que, comme il y a des degrés dans la nécessité, il y en a aussi dans l’autonomie. Là, c’est le joug qui pèse sur la volonté plus ou moins lourdement ; ici, c’est la force qui apparaît plus ou moins énergique, sans qu’on puisse assigner de limite à cette double échelle, soit en minimum, soit en maximum.

Telle est, dégagée de sa psychologie abstruse et d’une argumentation quelquefois malheureuse, la pensée de M. Tissot.

J’avoue, quant à moi, que tout cela me paraît d’une excellente philosophie. C’est précisément ce que je disais tout à l’heure en parlant de Spinoza : Pouvez-vous expliquer tous les phénomènes de la nature et de l’humanité par le principe unique de la nécessité divine ? Non, évidemment, puisque vous avez besoin, pour créer le monde et la société, d’une force de réaction que la nécessité ne peut pas fournir. Donc, si vous niez la liberté, qui par son évolution ascendante explique cette réaction et tous les faits qui en découlent, je nierai à mon tour votre nécessité qui ne peut rien faire qu’à la condition de réagir contre elle-même en engendrant des forces libres : ce qui est une contradiction.

De la théorie de M. Tissot il résulte donc que, s’il n’y a pas dans l’univers de liberté pure, il n’y a pas non plus