Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tement de tous ou anarchie, la Justice un rêve parce qu’elle promet au juste la félicité. Que dis-je ? la nécessité elle-même est contradictoire, puisque, comme le démontre Spinoza, hors de la nécessité infinie rien n’existe, et que cependant, pour expliquer le mouvement de l’univers et la perfectibilité des âmes, il nous a fallu, avec Leibnitz, diviser cette nécessité à l’infini, c’est-à-dire lui créer une liberté égale à elle. Doutons-nous pour cela de la nécessité de certaines choses ? Tout serait-il libre, par hasard ?…

En deux mots, l’antinomie qui frappe généralement toute notion est si peu un motif de récuser cette notion, qu’on pourrait presque dire que c’est ce qui lui donne l’authenticité. Nous ne serons donc pas surpris qu’il en soit à cet égard de la liberté comme du reste, et que nous commencions précisément, pour la reconnaître, par demander en quoi consiste son antinomie.

Ou la liberté n’est rien, ou elle a son objet à elle, son but, sa fonction propre, son emploi déterminé dans le système universel : toutes conditions qui impliquent une antinomie manifeste. Quelle est donc cette fonction de la liberté ? Ne nous effrayons pas du mot : à quoi sert-elle ? En autres termes, existe-t-il, dans l’ordre de la nature et de la société, des phénomènes doués d’un caractère spécifique tel que nous puissions dire avec assurance : Ceci est de la liberté, et cela n’en est pas ; comme nous disons : Ceci est de la vie, et cela n’est pas de la vie ; Ceci est de la raison, et cela n’est pas de la raison ; Ceci est de la Justice, et cela n’est pas de la Justice ? Et comment cette liberté fonctionnelle, utile, servante, car il faut appeler les choses par leur nom, peut-elle néanmoins être dite libre ?

Voilà tout ce que nous avons à chercher, la preuve de la liberté par la réalité de sa fonction.