Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/521

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nature naturée, tout ce qui exprime la réalisation de l’absolu.

L’optimisme est commun à toutes les cosmogonies religieuses et à toutes les conceptions panthéistiques de l’univers. Pour les premières, c’est l’état édénique, qui se soutient jusqu’au moment où le péché, par la malice du démon et la séduction de l’homme, entre dans le monde et y sème la discorde. Pour les secondes, c’est l’hypothèse inverse, par laquelle le philosophe, niant la distinction du bien et du mal et posant l’indifférence des actions, nie le péché, fait de la Justice un simple rapport d’intérêts, et sur cette donnée se crée un univers dont toutes les parties sont liées par des rapports d’amour et d’harmonie, où tout concourt, tout conspire, tout consent, suivant le mot d’Hippocrate ; où tout est beauté, perfection, sans choc ni discord, et, comme disait Leibnitz, au mieux possible.

N’est-ce pas ce que concède M. Renouvier lorsque, par une inconcevable contradiction, il cherche la liberté dans un pareil monde, et pour la trouver y introduit, on ne sait comment ni pourquoi, des exceptions ?

Certes, Monseigneur, après avoir nié le péché originel dans l’humanité, vous n’avez point à craindre que je le rétablisse dans la nature. Il n’y a rien de mauvais en soi, ni comme substance, ni comme cause, ni comme accident ; et tout ce qui existe est bon dans son essence.

Mais il ne s’agit point ici de cela : il s’agit du rapport des êtres, du jeu des causes ; il s’agit de savoir si toutes ces spontanéités dont se compose la création s’accordent entre elles ou se combattent, si, soit par la loi de leur constitution, soit par ordre supérieur, elles forment une ronde de parfait amour, ou si elles se livrent une bataille immense ; si l’ordre, enfin, qui çà et là se découvre dans cette mêlée, provient du concert d’instruments ac-