Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/527

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qu’il produit, et que par conséquent il est nécessaire ; tandis que l’homme est partie intégrante du monde, qu’il tend à absorber, ce qui constitue le libre arbitre.

Ainsi la conception du libre arbitre, comme force de collectivité de l’être humain, explique, justifie la croyance universelle ; bien plus, comme si cette conception n’avait pu se former que par une suite d’hypothèses partielles, tous les philosophes que nous avons consultés y trouvent la raison secrète de leurs théories : Descartes, devinant que la liberté en Dieu ne peut pas être de même forme et qualité que chez l’homme ; Spinoza, démontrant que l’infini divin, tout-puissant, tout sage, exclut l’idée de liberté, ce qui emporte cette conséquence que la liberté ne peut être l’attribut que d’une créature placée dans un monde d’autres créatures ; Leibnitz, qui rend la liberté trois fois possible, trois fois intelligible, d’abord par sa théorie des monades, en second lieu par leur groupement, enfin par l’équilibre de la liberté et de la nécessité, déclarées l’une et l’autre absolues en tendance, non en réalité ; MM. Tissot, Dunoyer et autres, qui constatent les oscillations de la liberté et son progrès, en vertu du principe que nous venons de poser, savoir, que dans l’homme la puissance de collectivité ou la liberté est proportionnelle à la somme des forces élémentaires, des facultés et des idées dont il dispose.

Tant que la liberté fut, comme la Justice, rapportée à un sujet divin, qui n’en communiquait à l’homme qu’une faible parcelle, faculté d’option ou d’indifférence, la liberté demeura, comme la Justice, une notion fantastique, un mythe. Nous venons d’en faire une réalité ; nous faisons mieux encore, nous prouvons que cette réalité est exclusivement humaine, incompatible avec l’idée de Dieu. Sous ce rapport l’anthropomorphisme n’est plus permis, il devient une contradiction.