Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/550

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Oh ! je comprends, Monseigneur, que vous ne l’aimiez pas, la liberté, que vous ne l’ayez jamais aimée. La liberté, que vous ne pouvez nier sans vous détruire, que vous ne pouvez affirmer sans vous détruire encore, vous la redoutez comme le Sphinx redoutait Œdipe : elle venue, l’Église est devinée ; le christianisme n’est plus qu’un épisode dans la mythologie du genre humain. La liberté, symbolisée dans l’histoire de la Tentation, est votre antichrist ; la liberté, pour vous, c’est le diable.

Viens, Satan, viens, le calomnié des prêtres et des rois, que je t’embrasse, que je te serre sur ma poitrine ! Il y a longtemps que je te connais, et tu me connais aussi. Tes œuvres, ô le béni de mon cœur, ne sont pas toujours belles ni bonnes ; mais elles seules donnent un sens à l’univers et l’empêchent d’être absurde. Que serait, sans toi, la Justice ? un instinct ; la raison ? une routine ; l’homme ? une bête. Toi seul animes et fécondes le travail ; tu ennoblis la richesse, tu sers d’excuse à l’autorité, tu mets le sceau à la vertu. Espère encore, proscrit ! Je n’ai à ton service qu’une plume ; mais elle vaut des millions de bulletins. Et je fais vœu de ne la poser que lorsque les jours chantés par le poète seront revenus :

Vous traversiez des ruines gothiques :
Nos défenseurs se pressaient sur vos pas ;
Les fleurs pleuvaient, et des vierges pudiques
Mêlaient leurs chants à l’hymne des combats.
Tout s’agitait, s’armait pour la défense ;
Tout était fier, surtout la pauvreté.
Ah ! rendez-moi les jours de mon enfance,
_____Déesse de la Liberté !



fin du deuxième volume.