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à la place de laquelle nous avons mis le divorce de propriété.

XXXI

Le christianisme est la religion de la séparation universelle, de la scission sans fin, de l’antagonisme irréconciliable, de l’isolement absolu, des abstractions impossibles.

Après avoir séparé l’esprit de la matière, comme le Dieu de la Genèse sépare le sec de l’humide, la lumière d’avec l’ombre ; après avoir distingué les âmes d’avec les corps, posé le bon principe en face du mauvais, élevé le ciel au dessus de la terre, créé dans l’homme une double conscience, et institué ce système d’hypocrisie qui fait de Tartuffe un bienheureux et de Socrate un réprouvé, le voici qui scinde l’homme d’avec la nature, afin que, comme il l’a rendu malheureux dans sa conscience, il le rende fugitif et déshérité sur la terre.

La terre ! comment le chrétien l’aimerait-il, cette terre sacrée, que les anciens entourèrent d’un culte plein de tendresse, et qui est pour nous, à elle seule, presque toute la nature ? Aimer la terre, la posséder, en jouir dans une légitime union, avec cette vigueur d’amour qui appartient à l’âme humaine, le chrétien en est incapable : ce serait de l’impiété, du panthéisme, un retour à d’idolâtrie primitive, pis que cela, une rechute dans le chaos, en horreur au polythéisme même.

La haine du monde extérieur est essentielle au christianisme ; elle découle du dogme même de la création, et des antinomies qu’il traîne à sa suite.

Pour le chrétien instruit par la Bible, la terre, comme le soleil, la lune et toutes les sphères, est chose morte, vile matière, instrument des manifestations divines, mais qui n’a rien de commun avec l’Être divin, ni par con-