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de tomber. Supposer, ce qu’a démontré Laplace, que l’univers subsiste par lui-même, et qu’il suffit, pour en produire les merveilles, du jeu d’un petit nombre d’éléments, c’est faire disparaître la Divinité, et avec elle la religion.

De cette idée étrange d’une finalité ultrà-mondaine du monde, ou de la non-existence en soi et pour soi de l’univers, est sortie l’opinion de la fin du monde, qu’Ovide, par une fiction ingénieuse, fait surgir pour la première fois dans le cerveau de Jupiter. Il convenait en effet que le Dêmi-urgos tirât lui-même les conséquences de son principe, et usât des droits que lui assure son titre. Jupiter, dit le poëte, voyant les crimes des hommes, se disposait, de concert avec les dieux, à les foudroyer. Mais il réfléchit qu’il courait le risque d’incendier le ciel ; que d’ailleurs un jour viendrait où, les destins étant accomplis, la machine du monde devait se briser et être livrée aux flammes ; en conséquence, au lieu du feu, il se contenta d’employer l’eau. Ceux que la Providence n’a pas su gouverner, elle les noie : était-ce la peine de changer de religion pour transformer en article de foi cette légende bouffonne ?

Esse quoque in fatis reminiscitur affore tempus
Quo mare, que tellus correptaque regia cœli
Ardeat, et mundi moles operosa laboret.

XXXIII

Mais ce qui n’est qu’absurdité en philosophie, transporté dans l’ordre de la Justice, devient dépravation. Tel dogme, telle morale : comme la terre est aux regards de Dieu, elle sera pour le législateur.

De toutes les distinctions qu’a engendrées le principe théologique, la plus funeste peut-être est celle qui, après avoir séparé dans le droit civil la possession de la pro-