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CHAPITRE III.

Corruption du mariage et de l’amour par l’idéalisme. Confusion des sexes.

XVII

On a vu au précédent chapitre comment l’expérience de l’amour, tel que le donnent l’imagination et les sens, avait dû faire naître l’idée du mariage.

Cette idée, il n’y a pas à s’y tromper, n’est rien de moins que le projet de dompter l’amour, de le rendre constant, fidèle, indéfectible, supérieur à lui-même, en le pénétrant à haute dose de ce sentiment de dignité qui accompagne l’homme dans toutes ses actions, et en unissant l’homme et la femme dans une communauté de conscience, dont la communauté de fortune devient la conséquence et le gage. La consécration matrimoniale par le ministère du prêtre, avec sacrifice, auspices, invocation des dieux, banquet eucharistique, paroles secrètes, bénédiction, exorcisme, n’a pas d’autre sens. Pour le vulgaire, c’était comme un philtre mystérieux qui devait conférer à l’amour la qualité divine, l’incorruptibilité. Pour le philosophe, c’est l’affirmation de la conscience qui répudie l’amour dans sa nature doublement fatale, et tend à s’en faire un instrument de Justice en le convertissant à son image.

Or, Rien ne se produit en vertu de rien, Rien ne tend à rien, Rien ne peut être l’expression de rien : le mariage n’est donc pas une vaine conception de la conscience, c’est une réalité.

Ce n’est pas rien, en effet, que cette aspiration sublime à qui la chair répugne, que la beauté même ne satisfait