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XXII

Le dédain réciproque des sexes, et la dépravation de l’amour qui en fut la conséquence, eut sa cause, d’abord dans l’excessive facilité de relations qu’avait créée le paganisme, et qu’il était dans son génie de créer, au point de vue même de l’intérêt et de la dignité de la femme ; puis, dans l’idéalisme universel, qu’une Justice trop faible ne refrénait pas.

J’ai parlé ailleurs de l’idéalisme politique, de l’idéalisme artistique et littéraire, de l’idéalisme métaphysique et religieux. L’idéalisme érotique ferme la série ; il nous donne le dernier mot de toutes les rétrogradations sociales.

Avant tout, pensaient les anciens, l’homme ne peut vivre sans amour ; sans amour, la vie est une anticipation de la mort. L’antiquité est pleine de cette idée ; elle a chanté et préconisé l’amour ; elle a disputé à perte de vue de sa nature comme elle a disputé du Souverain Bien, et plus d’une fois il lui est arrivé de les confondre. Avec la même puissance que ses artistes idéalisaient la forme humaine, ses philosophes et ses poëtes idéalisèrent l’Amour, âme de la nature, souverain des dieux et des hommes ; et comme ils s’efforçaient, par diverses méthodes, d’arriver, les uns à la sagesse, les autres au bonheur, ce fut encore, parmi eux, à qui découvrirait et réaliserait le parfait amour.

La recherche de l’absolu est le caractère du génie humain ; c’est à cela qu’il doit ses aberrations et ses chefs-d’œuvre.

Mais cette idéalité de l’amour, où la trouver ? Comment en jouir, et dans quelle mesure ?

Est-ce le mariage, est-ce cette union entourée de tous les honneurs de la religion, de toutes les prérogatives de