Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dès le lendemain des noces la femme avait perdu son prestige ; le lit conjugal avait englouti, en une nuit, son pucelage et sa virginité. Nulle poésie de l’âme, nulle tendresse du cœur, nulle surveillance des sens, ne pouvait, aux regards d’un époux assouvi, réhabiliter cette infortunée formée à la luxure par sa propre mère. L’illusion irréparablement détruite, le dégoût devenait invincible. Il existe de Sapho un distique dans lequel cette pensée est rendue avec une mélancolie profonde : « Virginité, Virginité ! où fuis-tu que tu m’abandonnes ? » Et la Virginité répond : « Plus jamais je ne viendrai vers toi, plus jamais je ne viendrai. »

Ô France ! tu étais vierge, quand tu possédais la Justice, la virginité des nations. Et maintenant tu as perdu ta fleur, tu ne relèves plus de ton droit, tu as cessé d’être chaste. Tes enfants t’appellent prostituée. Qui te la rendra, ô patrie, cette virginité bienheureuse, qui te la rendra ?….

Puis, l’amour vit de sacrifices : sacrifice à la patrie par l’accomplissement des devoirs civiques ; sacrifice à la famille, par le travail ; sacrifice à la femme, par la continence. Anacréon feint dans une ode que l’Amour, voulant l’éprouver, l’a sommé de le suivre ; qu’il l’a fait courir, à travers les forêts, les torrents, les montagnes, et que le dieu, le voyant épuisé et hors d’haleine, l’a frappé de son aile en lui laissant pour adieu ce reproche : Tu ne peux pas aimer ! Qui ne sait endurer, en effet, ne sait pas aimer : telle est la pensée qui ne fait que traverser le cerveau du poëte. Comment pourrait exister le sacrifice dans cette société basée sur l’esclavage, où toute liberté dégénère en tyrannie, où le travail est en horreur, où la volupté se donne pour si peu de chose ?

Une autre idée, un éclair brille aux yeux d’Anacréon. Il volait à travers l’espace porté sur deux ailes, quand l’Amour, avec des bottines de plomb, se met à sa pour-