Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/285

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dise. C’est en vain que Pierre, au concile de Jérusalem, proteste contre cet accaparement, rappelle sa mission de Césarée, où il convertit le centurion Cornélius ; son voyage à Rome, entrepris alors que Saul n’était pas même baptisé : l’ex-pharisien n’entend pas raison. « À moi, dit-il, l’évangile du prépuce ; à Pierre, celui de la circoncision. » Le prépuce, c’était tout l’empire, 120 millions d’âmes ; la circoncision, c’était la Judée et la Samarie, plus les synagogues répandues par le monde, trois millions d’âmes, peut-être, ce qu’il y avait de plus réfractaire au mouvement.

On lui objecte qu’il n’a pas reçu le ministère des mains de Jésus-Christ.

« Ces hommes, réplique-t-il, parlant de Pierre, Jacques et Jean, ne sont pas chrétiens, car ils transigent avec la circoncision. Mais moi, qui ai renié Israël sans restriction, je suis le vrai représentant du Christ ; je suis cloué sur sa croix ; je ne suis même plus vivant, je ne suis pas moi, je suis le Christ qui vit en moi et qui vous parle par ma bouche : Vivo ego jam non ego, vivit verò in me Christus. »

Une exposition sincère des épîtres de ce maniaque serait l’histoire la plus curieuse des temps apostoliques, et montrerait par quel mirage du fanatisme religieux le plus haïssable des caractères, l’esprit le plus faux, devint la gloire de l’Église et l’oracle de la théologie.

J’ai remarqué déjà, en parlant de l’esclavage, quelles étaient les préoccupations de l’Apôtre. Ce qu’il voulait n’était pas une refonte des mœurs et des institutions : la chose à ses yeux n’en valait pas la peine ; c’était de préparer les fidèles, Juifs et gentils, au retour prochain du Christ, qui devait mettre fin à toutes choses. De là, sa disposition à envisager les questions de morale, d’ordre public et domestique, à travers le prisme de son expectation messiaque. On a vu (Étude V) comment il engageait les esclaves à prendre leur parti de la servitude : c’est