Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

charité à toute épreuve, d’une sincérité d’enfant, qui avait fini par tomber comme les autres, et que je plaisantais quelquefois. Qu’il me le pardonne ! J’ai soutenu, le mieux que j’ai pu, dans ma carrière d’ouvrier, l’honneur de mon célibat ; mais je le déclare à la décharge de ces malheureux ecclésiastiques, les tentations de l’homme qui sent sa liberté, qui a devant lui l’avenir, avec lui le travail, qui peut aimer au grand jour et regarder en face la jeune fille en attendant qu’il la possède, ne sont rien auprès de cette torture du prêtre que consume l’amour mystique, et qui se dit tout bas en regardant une femme à la dérobée : Jamais !

Eh bien ! n’est-ce pas là l’histoire de tous vos ascètes ? d’un Antoine, qui jusqu’à plus de quatre-vingts ans voyait, dans ses hallucinations érotiques, sa Thébaïde peuplée de courtisanes ? d’un Jérôme, qui, dans sa tombe de Bethléem, épuisé d’ans, de jeûnes et de veilles, était sans cesse transporté en esprit dans les salons des dames de Rome ? de celui-ci, dont j’ai oublié le nom, qui pour dompter sa chair se roulait tout nu sur les épines ? de cet autre, qui se jetait jusqu’au cou dans un étang glacé ?… L’exténuation du corps, l’abolition du cœur, l’abêtissement de l’esprit : voilà par quelles recettes les héros du christianisme s’élèvent à la sainte vertu de continence. Une décoction de nénuphar et une forte saignée sont pour vous, comme le foie du poisson de Tobie, d’un effet assuré contre le malin. Il ne vous vient pas seulement à la pensée que ces prétendus remèdes d’amour, comme ceux recommandés par Ovide, au lieu de guérir le mal ne font que l’irriter. Et vous appelez cela de la chasteté ! La médecine, Monseigneur, le nommerait satyriasis ; et si Votre Jurisprudence voulait y regarder encore de plus près, elle verrait que ce restreint moral auquel, sous prétexte de chasteté, vous soumettez la jeunesse de vos