Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/48

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Ou la fatalité pure, telle qu’on la trouve au fond de toutes les philosophies de l’histoire, d’après Aristote, Machiavel, Vico, Herder, Hégel, Saint-Simon, Fourier et leurs disciples ;

Ou la religion, c’est-à-dire une nature imparfaite, une terre maudite, une civilisation tourmentée, sans principe ni fin assignable ; une humanité pécheresse et lâche, attendant de Dieu son expiation et sa délivrance, par conséquent sans moralité et sans valeur.

Faut-il, après cela, nous étonner des titubations du peuple français ? Quand l’élite d’une nation, préparée par une longue tradition, une ample philosophie, une science prodigieuse, aboutit à de telles folies, que voulez-vous que devienne la multitude affamée et sans lettres ? Les sages déraisonnent, et le peuple fait ses bamboches.

Certes, Monseigneur, après 1830 et 1848, vous avez dû être surpris de la promptitude avec laquelle l’Église ébranlée s’est remise en selle : moi, point.

La France, par ses chefs, n’est jamais sortie de la limbe religieuse. On a fait la guerre aux goupillons, aux chapes, aux ciboires, aux bénitiers ; on a attaque la liquéfaction du sang de saint Janvier, la croix de Migné, le miracle de la Sallette ; on a plaisanté de la gourmandise des moines, de la luxure des Cordeliers et des Carmes, de l’épicurisme des chanoines ; on a chicané le clergé sur son ambition et ses richesses. Mais, en critiquant le badigeonnage, on a soigneusement entretenu l’édifice. Les soi-disant adversaires de l’Église sont d’accord de tout avec elle ; et le pays, qui juge avec son bon sens, dit : Il se peut que les anciens, qui ont établi la religion, aient été de bonne foi ; mais à coup sûr les nouveaux sont des charlatans : il ne vaut pas la peine de changer. Et il ne change pas.

Pourquoi changerait-il ? Le progrès qu’on lui vante n’est