Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/486

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que la Justice est nécessairement duelle, qu’elle suppose par conséquent deux consciences au moins à l’unisson : en sorte que la dignité du sujet apparaît seulement comme premier terme de la Justice et ne devient même respectable pour lui qu’autant qu’elle intéresse la dignité des autres.

D. — Pourquoi dans l’organisme juridique les deux personnes sont-elles dissemblables et inégales ?

R. — Parce que, si elles étaient pareilles, elles ne se compléteraient pas l’une l’autre ; ce seraient deux touts indépendants, sans action réciproque, incapables pour cette raison de produire de la justice.

D. — En quoi l’homme et la femme diffèrent-ils l’un de l’autre ?

R. — En principe, il n’y a de différence entre l’homme et la femme qu’une simple diminution d’énergie dans les facultés. L’homme est plus fort, la femme plus faible : voilà tout. En fait, cette diminution d’énergie crée pour la femme, au moral et au physique, une distinction qualitative qui fait que l’on peut donner de l’un et de l’autre cette définition : L’homme est la puissance de ce dont la femme est l’idéal, et réciproquement la femme est l’idéal de ce dont l’homme est la puissance.

D. — Qu’est-ce que l’amour ?

R. — L’amour est l’attrait qu’éprouvent invinciblement l’une pour l’autre la Force et la Beauté. Sa nature, dans l’homme et dans la femme, n’est par conséquent pas le même. Du reste, c’est par lui que leur conscience à tous deux s’ouvre à la Justice, chacun devenant pour l’autre tout à la fois un témoin, un juge et un second lui-même.

D. — Comment définissez-vous le mariage ?

R. — Le mariage est le sacrement de la Justice, le mystère vivant de l’harmonie universelle, la forme donnée par la nature même à la religion du genre humain. Dans une sphère moins haute, le mariage est l’acte par lequel l’homme et la femme, s’élevant au-dessus de l’amour et des sens, déclarent leur volonté de s’unir selon le droit, et de poursuivre, autant qu’il est en eux, la destinée sociale, en travaillant au progrès de la Justice. À cette définition se rapporte celle de Modestin,