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deux Orphée ; Homère, le premier après eux, semble profane auprès de ce que durent être ces vieux interprètes de la conscience des peuples. La Bible, en revanche, monument d’une initiation plus récente, nous offre une ample compensation.

Quel qu’ait été l’état moral de la race d’Abraham depuis l’émigration de ce cheik jusqu’à l’entrée des douze patriarches dans la terre de Gessen, sous les Hycsos, il est certain au moins qu’au temps où parut Moïse les Israélites étaient tombés dans un état voisin de la sauvagerie, par suite du séjour qu’ils avaient fait en Égypte, soit en qualité de pâtres, soit comme esclaves. La fable de Polyphème montre ce qu’était la vie pastorale à cette époque reculée ; Abraham, malgré son illustre naissance et la dignité de son caractère, ne fut après tout qu’un chef de horde.

Rentrés dans le Canaan, après une suite de campements et de combats dont le Pentateuque a supprimé les dix-neuf vingtièmes, les Hébreux finirent par s’établir dans la partie montagneuse de la Palestine, pêle-mêle avec les restes de peuplades encore sauvages.

En passant de la vie sans loi de bergers nomades à celle plus régulière d’agriculteurs sédentaires ; en se groupant par villes et bourgades, les Israélites durent naturellement inaugurer parmi eux quelques principes de morale publique et domestique, se donner des institutions, des rites, en un mot, une loi. Ce fut l’œuvre de Moïse, de Josué et de leurs successeurs.

Ainsi, à l’instar des Égyptiens leurs anciens maîtres, on les voit adopter pour symbole de leur élévation à la vie légale la circoncision, signe parlant, dont le sens est que l’homme se sépare de sa condition de brute pour entrer dans celle d’homme civilisé. L’amputation du prépuce est le symbole physique de l’abjuration des mœurs sauvages ; de là l’expression biblique qu’il ne suffit pas de circoncire le prépuce, qu’il faut circoncire aussi le cœur : langage incompris, malgré l’exactitude littérale de la traduction.

Cependant, chez des âmes aussi grossières, si l’adhésion de