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tème, la sanction morale part, comme la foudre, du trône de Dieu ; c’est lui qui, selon son bon plaisir, nous éprouve, nous afflige ou nous récompense, en attendant le redressement définitif ; et c’est par le retrait de sa grâce que, si quelquefois nous sommes épargnés dans le matériel de notre existence, nous manquons rarement d’être atteints dans notre conscience, où le remords nous torture comme des damnés. Voilà ce que vous enseigne à vous l’Écriture, dont vous prenez chaque mot et chaque phrase au pied de la lettre. Pour moi, au contraire, qui, écartant cette poétique de la Justice, considère celle-ci tout à la fois comme une notion et une faculté, la sanction morale n’est rien de plus que le mouvement de la conscience, joyeuse quand nous faisons le bien, triste et malade quand nous nous rendons coupables. C’est tout ce que me révèle votre Bible ; et s’il arrive qu’à la suite du remords une sorte de contre-coup, venant de la société, nous frappe encore, je dis que ce contre-coup, résulte de la solidarité qui unit tous les hommes dans une conscience commune.

I

Ainsi, les mêmes textes dont vous pensez vous servir pour établir votre divine sanction, je les retourne contre vous, comme un général retourne contre l’ennemi l’artillerie qu’il lui a prise : tel est encore ce verset du psaume cx, que vous chantez à vêpres tous les dimanches :

Confitebor tibi, Domine, in toto corde meo,
In concilio justorum et congregatione ;
Je te louerai, Seigneur, de tout mon cœur,
Dans la réunion des Justes, et dans l’assemblée.

Il faut, direz-vous, être possédé du démon de la dispute pour chercher chicane à l’Église sur cet inoffensif verset. Que peut-il y avoir là d’inquiétant pour la théologie, soit dogmatique, soit morale ?