Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/531

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N’oublions pas que pour M. Oudot et ses auteurs la Justice est une simple notion, la notion d’une loi sans faculté et dont le sujet est Dieu ; qu’ainsi le système d’obligations qui nous enveloppe commence pour chacun de nous par le Devoir, et que ce devoir ne devient droit à l’égard de nos semblables qu’en ce sens qu’ils sont soumis de leur côté au même devoir envers la Divinité.

D’où il suit : 1o que le droit de punir que s’arroge la société, droit qui se convertit pour le coupable en un devoir et même en un droit actif, selon l’expression du savant professeur, ne peut s’exercer légitimement qu’autant que le délinquant est en communauté de foi religieuse avec la société qui punit, ce qui revient à dire, autant qu’il adhère à la théorie de M. Oudot ; 2o qu’avant d’infliger la punition, on a établi démonstrativement, et en s’appuyant sur une révélation positive, qu’elle fait partie du droit divin, et conséquemment du devoir humain : ce que n’a pas fait M. Oudot, ce que même, malgré sa bonne volonté, il n’oserait entreprendre.

Dans l’état où se trouve aujourd’hui la question, il n’y a pas un assassin qui ne puisse dire à ses juges : « Je ne crois ni à votre Dieu ni à votre société, dans laquelle je n’ai pas reçu ma part. Je rejette votre code, et je vous récuse, vous, votre police et vos bourreaux. Il n’y a rien de commun entre vous et moi ; et quand même j’admettrais avec vous l’existence d’un lien juridique entre les hommes, vous n’auriez pas de quoi établir l’autorité que vous vous attribuez sur ma personne. Vous n’avez pas le droit de me frapper, pas le droit de me blâmer, pas le droit de m’accuser, pas même le droit de m’interroger ; et ma conscience, puisque vous parlez de conscience, se dérobe à toutes vos atteintes. J’ai tué un homme, c’est possible ; j’étais en guerre avec lui, comme je le suis à cette heure avec vous, comme vous l’êtes tous les uns