Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/541

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méchant, il ne reste avec cette âme féroce, placée par elle-même hors la loi, qu’un moyen, l’excommunication solennelle, la mort. Une sentence de mort est une déclaration portant que chez tel individu la conscience est morte, qu’il est tombé à l’état de bête féroce à visage d’homme, qu’il n’y a plus par conséquent qu’à le tuer, comme un objet d’horreur et un péril permanent pour tous. Reste à savoir si une semblable dégradation de la dignité humaine est possible, ou, pour mieux dire, dans quels cas et à quelles conditions elle est censée exister. Reste à savoir aussi jusqu’à quel point la réclusion et le bagne peuvent, par un reste de pitié, être maintenus pour les natures dégradées et incurables, comme un équivalent de la guillotine.

Ce serait le lieu de faire la critique de notre Code pénal, de ses catégories de délits et de crimes, de sa division des peines en afflictives et infamantes, division qui fait aller le législateur et le juge de pair avec les scélérats qu’ils poursuivent ; enfin de l’épouvantable arbitraire avec lequel on distribue ces peines et on les applique. Tel que la loi frappe d’une peine correctionnelle légère devrait être excommunié du genre humain ; tel condamné à mort a fait preuve, dans la perpétration de son crime, de plus de sens moral que ses juges n’en ont montré dans la condamnation. Nous retrouvons ici à chaque pas la trace de l’esprit théologique et matérialiste qui présida à la rédaction de ce code : théorie de la transcendance de la loi morale et de la divinité de sa sanction ; théorie de l’indignité originelle de l’homme et de la nécessité de l’expurger, par des sévices exercés sur son corps, sur son âme et toute sa personne. Nulle idée de la communauté juridique, de la réciprocité de la satisfaction, de la nature du payement qu’appelle la dette du crime…. Qu’il me suffise d’avoir posé les principes, et montré, par la phi-