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5. Sanction dans la politique et dans l’histoire : Physiologie du régicide.


De tous les effets de la sanction morale, le plus effrayant, celui qui témoigne avec le plus de force du désarroi des âmes, est le régicide. Avant d’entamer cette discussion périlleuse, j’ai besoin de me recueillir un instant.

Quand, il y a huit mois, je me posais cette question qui termine mon premier volume : Quid du tyrannicide ? et que je me faisais, cette réponse : Question insoluble par la logique, et sur laquelle toute philosophie doit déclarer son incompétence, je ne pensais pas que j’aurais bientôt à me défendre contre une accusation de complicité morale dans un attentat à la vie de l’empereur.

Car à quoi bon ici faire la sourde oreille ? C’est à mes pareils, et par conséquent à moi, que s’adresse l’honorable rapporteur du Corps législatif, lorsqu’il signale ces hommes hors du droit et de la morale ; qui détestent tous les régimes, tout ce qui ressemble à une autorité quelconque ; ennemis implacables de la société ; qui, même en 1848, se dressaient contre cette société éplorée ; qui ne connaissent pas le pardon, etc. Ne suis-je pas le théoricien de l’anarchie, l’ennemi de tous les gouvernements, le Satan de tout ce qui ressemble à une autorité ? N’ai-je pas eu le malheur d’écrire, je ne sais où, en apostrophant la réaction : Fussiez-vous trente-six millions, nous ne vous pardonnerions pas ? Paroles accablantes, qu’avait citées déjà M. de Montalembert dans une de ses catilinaires. D’autres n’ont contre eux que leurs colères d’exilés ; j’ai, pour me faire accuser de régicide, des théories, tout un système.

Ceux qui dénoncent avec tant de fureur des adversaires abattus savent-ils cependant ce que c’est que le régicide ? Se douteraient-ils, par hasard, que plus que nous ils en caressent la pensée dans leur cœur ?…