Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/59

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tion rigoureuse, à la signaler comme l’auteur du mal : encore un pas, et nous avons le mot de l’énigme.

XIX

Que la Liberté puisse résister à la Justice, aussi bien qu’à tous les fatalismes, il n’y a pas là de difficulté, puisque sans cela elle ne serait pas libre, ce qui implique contradiction. Et comme on ne saurait, à peine de la faire encore disparaître, lui supposer d’autres motifs qu’elle-même, la question revient à demander comment la Liberté en vient à se préférer à la Justice, qui est son pacte, son idéal de prédilection, son serment, à se parjurer, enfin, au point de laisser reprendre le dessus à la fatalité, et de signer ainsi sa propre déchéance.

Mystère impénétrable, tant que la raison philosophique demeurait inclinée devant la raison transcendante, mais qui devait se dissiper, comme tant d’autres, aussitôt qu’une main hardie aurait déchiré le voile.

L’homme, par son libre arbitre, tend à réaliser en lui et autour de lui, dans les personnes qui le touchent et dans les choses qui lui appartiennent, dans la cité qu’il habite et dans la nature qui l’entoure, dans toutes ses pensées et dans tous ses actes, le sublime et le beau, l’absolu.

L’absolu à réaliser, voilà sa foi, sa loi, sa destinée, sa béatitude, en un mot son idéal.

De toutes les réalisations de l’idéal, la plus élevée, celle qui domine les autres, est la Justice.

La Justice, en effet, abstraction faite des règles de droit qui constituent sa raison, qui forment le domaine du jurisconsulte et donnent naissance à une science positive, l’éthique ; la Justice est cette idéalité puissante, sous l’influence de laquelle l’homme tend à devenir, de créature simplement sociable, un juste, un saint, un héros, un Dieu.